Musée des Beaux-Arts, Bordeaux, juillet 2024
J'aime les Madeleines. Surtout toutes dodues de péchés et de pénitences comme celle-là. Elle a beau, des cheveux, se vêtir pour donner un peu de consistance à sa pénitence, elle est nue, tellement nue pour moi, j'en vois sa chatte, à me demander si ce ne sont pas les poils de sa chatte qu'elle a si long comme ça et qu'elle caresse de sa main droite.
Très belle copie de ce Caravage. Etrangeté de ce front surplissé, dont les rides, bien trop nombreuses contrastent avec le lisse du visage, de la gorge, du torse, des épaules et des bras, plis et replis, extases de surfeurs comme dirait Deleuze, repris mille fois dans le drapé.
Titien me balafre de joie de ses gros coups de pinceau apparents. Floutant le tableau ils empêchent le regard de se poser pour de bon. Ici je jouis dans ces couches de drapés au nuancier noir et blanc si maitrisé. Je jouis, comme souvent chez Titien, aux chairs sales, couvertes de suif. A des détails à peine esquissé, mais dont le choix suffit, ces quelques motifs, à peine dessinés, sur le gilet de Tarquin.
Je cherche la source lumineuse d'une ombre si dessinée de la Vierge Marie.
En voilà d'autres dans ce sublime tableau du Pérugin. On y distingue nettement l'ombre du baton de Saint-Augustin, l'ombre de sa robe, de la robe de Saint Jérome, de ses chausses. L'ombre ordonne les plis, dessine et détache les corps et les visages.
L'ombre de Saint-Augustin assombrit encore un peu la première marche qui monte vers le trône de la Vierge. Puis plus rien.
Aucune ombre ne se peut porter sur le Christ. Hormis la sienne, son ombre propre, l'ombre que le Corps du Christ fait au Corps du Christ. Et les doigts de sa Mère, la Très Sainte Vierge Marie.
Ce Saint-Augustin, donc, debout à la droite du Christ, se retrouve à la fois matérialisé, porteur d'ombre, et spiritualisé, porteur de lumière, incapable de projeter son ombre sur le Christ, traversé de lumière, sacrifié, transparent.
Mais surtout, ils ne sont pas dans le même plan. Saints, mais séparés du plus sacré parmi le sacré.
Une énième interprétation, n'excluant aucunement les autres, fait de Jésus une source lumineuse, à part. C'est lui, qui rayonnant sur sa Mère, provoque cette ombre sur le mur derrière.
Pieds sales, repoussoir-aimant à la fois.
Dictée.
Martyre.
Flesh. Bloody. Sharp. Tree. Pour ne pas avoir abjuré sa foi.
Giuseppe Vermiglio (attribué à). Saint Marc écrivant sous la dictée de Saint Pierre. début 17e. Huile sur toile.
Maitre à la chandelle (anonyme caravagesque). Saint Sébastien soigné par Sainte Irène. Première moitié du 17e. Huile sur toile.
Pas le meilleur David et Goliath mais toujours picturalement efficace . Quel plaisir de voir une telle disproportion même si elle est académique, admise, autorisée.
Giovanni Do. Un Maitre et son élève. Première moitié du 17e. Huile sur toile.
Les livres et le miroir. Connais-toi toi-même ? L'expérience immédiate qui conforte la théorie ? quelques pistes données par le musée.
Bartolomé Estebán Murillo. Saint Antoine de Padoue adorant l'Enfant Jésus. 1675. Huile sur toile.
Suie diffuse, ténébreuse, échappée spirituelle, fumée des cheminées célestes.
Saint Antoine de Padoue, sa bure franciscaine, le lys, le livre.
Un mur de petites somptuosités, malheureusement mal arrangées. Impossible de regarder correctement les trois tableaux de la rangée supérieure, des beautés, dont deux Giordano. Cela m'agace. Dans l'ensemble, il y a de gros problèmes d'éclairages dans ce musée. En cas de grand soleil, comme c'était le cas le jour de ma visite, il faudrait assombrir les lieux.
Lucas Giordano. Dispute de théologiens. 1650-52. Huile sur toile.
Ibid. Dispute de philosophes. idem.
Dirck van Baburen. Le fumeur de pipe. 1623. Huile sur toile.
Laocoon. Sujet classique par excellence, que j'affectionne tout particulièrement.
Morsure au pieds.
Morsure au thorax.
Enroulement, constriction, serrage.
Derniers instants. L'un des fils git déjà.
Pieter Claesz Soutman. Laocoon et ses fils mordus par les serpents. Première moitié du 17e. H sur toile.
La coupure est bien nette. La bouche et le regard, surpris. L'information n'a pas été transmise au reste du corps. Il s'est relevé, il sait qu'il a reçu un coup, il a à peine eu le temps de le voir venir mais après cela, c'est l'habitude sans doute.
Pierre Paul Rubens. Le Miracle de Saint Just. vers 1633. H sur toile.
Je me permets de citer ici le site du musée, car le sujet de cette "céphalophorie statique" mérite des éclaircissements (je souligne) :
"Durant les persécutions de Dioclétien en IIIe siècle, Just, âgé de neuf ans, accompagna son père d’Auxerre à Amiens pour payer la rançon de son oncle emprisonné. Sur le chemin, l’enfant donna sa tunique à un pauvre et ne garda qu’une simple chemise. Après la libération de l’oncle, les trois hommes repartaient vers Auxerre lorsque, près de Beauvais, le proconsul Rictiovarus les fit poursuivre par quatre cavaliers. Just demanda alors à ses aînés de se cacher dans une grotte afin de rencontrer les soldats. Ne pouvant savoir où se trouvaient les deux chrétiens, l’un des poursuivants descendit de cheval et décapita le jeune garçon. Le corps de ce dernier se releva et s’immobilisa après avoir pris la tête entre ses mains (céphalophorie statique). Devant ses deux parents sortis de leur cachette, Just leur demanda de brûler son corps dans la grotte et d’apporter sa tête à sa mère.
Dans une composition simple, la scène au premier plan et la perspective fuyant sur la droite, Rubens réussit à contourner les difficultés de la représentation - un jeune garçon décapité, son corps mort mais sa tête encore animée et les yeux étincelants de vie – bien qu’il eût peint la tête tranchée de Méduse en 1617 (Vienne) et celle de Cyrus en 1618 (Boston) et en 1620-1625 (Paris). Il reprit l’attitude penchée du Sénèque (1612-1613, Munich) pour l’enfant et il conféra aussi un expressionnisme - peu habituel dans son œuvre avec la stupeur des deux chrétiens - que remarquèrent Reynolds en 1781 : « De ce sujet ingrat, Rubens a fait un excellent tableau, d’un dessin correct et colorié d’une manière plus pure que cela ne lui étoit ordinaire. La surprise de ces deux hommes est admirablement exprimée ; et l’union entre elles et le fonds est de la plus grande perfection » ; et surtout Delacroix : « 8 février (1847), lundi. Excellente journée. J’ai débuté par aller voir rue Taranne le tableau de saint Just de Rubens. Admirable peinture. Les deux figures des assistants, de son gros dessin, mais d’une franchise de clair-obscur et de couleur qui n’appartient qu’à l’homme qui ne cherche pas et qui a mis sous ses pieds les folles recherches et les exigences plus sottes encore »."
Deux incongruités bien amusantes :
Neuf ans le môme. Vous avez vu cette musculature ?
Les soldats, qui n'ont pu trouver l'oncle et le père, sont partis. Ces derniers sortent de leur cachette. Du temps s'est donc écoulé entre la décapitation et la scène que nous observons. Mais la tête parle encore, en toute lucidité de son état. C'est prodigieux.
Inspiré d'un poème du Ve avant JC (de Musée dit le Grammairien). Ovide, dans ses Héroides, imagine une correspondance.
Une mer les sépare. Toutes les nuits, Léandre traverse à la nage ce détroit, à la lumière d'une torche que Héro allume en haut d'une tour. Une nuit, la tempête. La flamme s'éteint, Léandre se perd, se noie. Héro découvre son corps rejeté sur la rive. Elle se jette du haut de sa tour.
Le musée parle d'un mélange de néoclassicisme et de romantisme et de cette tragique pantomime.
L'un des plus intenses regards que j'ai vu en peinture. Je ne peux m'empêcher de penser à la Méduse du Caravage. Ici c'est l'oeil qui s'ouvre grand comme une bouche qui crie de douleur et de folie.
Alessandro Magnasco.
Arrivée et interrogatoire des galériens dans la prison de Gênes.
Embarquement des galériens dans le port de Gênes.
Après 1735.
Huiles sur toiles.
Delacroix est un de ces immenses peintres à qui je résiste totalement. Rien ne me touche dans sa peinture. Son orientalisme peut même me débecter. Ce rejet est un mystère pour moi. Mais je n'en resterai pas là. Je n'accepte pas de rester sur des acquis. Je n'accepte pas de ne pas aimer quelque chose. J'accepte d'imaginer qu'il me manque quelque chose pour aimer telle ou telle chose. Un savoir, un intermédiaire, une rencontre.
Cette toile a subi deux incendies. https://www.musba-bordeaux.fr/fr/article/eugene-delacroix-la-chasse-aux-lions
Naufrages.
peindre la mer agitée dévoreuse d'hommes.
comment peindre à cette époque de telles scènes sans en être témoin ?
Eugène Isabey. L'incendie du steamer Austria. 1858. H sur toile.
Théodore Gudin. Trait de dévouement du capitaine Desse, de Bordeaux, envers le Columbus, navire hollandais. 1830. H sur toile.
Léon Cogniet. Le Tintoret peignant sa fille morte. vers 1843. H sur t.
Il s'agirait d'une évocation légendaire de la mort de Marietta.
J'aime beaucoup ce tableau mais impossible d'en obtenir une image de qualité à cause de cet éclairage désastreux.
Rinaldo Carnielo. Mozart expirant. 1877. Marbre.
William Bouguereau. Le Jour des morts. 1859. H sur t.
Ceux-ci j'les colle ensemble et pourquoi pas.
Jean-Léon Gérôme. Bacchus et l'Amour ivres. 1850. H sur t. Superbe.
Pablo Picasso. Olga lisant. 1920. H sur t. J'ai d'abord cru que c'était un fusain.
Albert Marquet. Le Pont-Neuf, la nuit. 1937. H sur t.
Canotiers et têtes coiffées. Masse, nombre, différences et indifférenciation. Dévier les regards. Si quelqu'un connait le nom de ces couvre-chefs blancs ottomans, merci de m'écrire !
Le jour se lève. Cette lumière qui vient du dehors et qui se prend dans la chemise encore défaite de l'amant, dans ces draps fripés d'amour et de sexe, dans ce bleu du sur-lit et de la corbeille.
Nu magnifique. Posé parfaitement dans ce fatras de tissus et de vêtements vite enlevés. Ce corps, c'est l'objet le plus lisse du tableau.
Et puis il y a cette lampe de chevet, allumée, à l'abat-jour étrangement plat.
Précisément cette zone, la lampe, les bijoux, la table de chevet, l'accoudoir du fauteuil, le haut-de-forme et la cane parmi le corset, et cette tête abandonnée et sa chevelure superbement ondulante et volumineuse.
Je voudrais me les rappeler toutes, chez elles, chez moi, soirées au bord du jour, quand je venais à la fenêtre, portant alternativement mes yeux sur une ville qui s'éveille et dedans, à peine à l'abri des regards, sur une nudité languissante. Le petit jour voyeur, je me contemple dans cette scène d'amour, j'essaie d'offrir aux fenêtres voisines cet aperçu, témoignage de ma vie sexuelle, daguerréotype à révélation lente que j'accélère aux tons pastels de la lampe de chevet.
J'attends qu'une tête pousse un rideau sur l'immeuble en face, je veux sentir la gêne, il m'est arrivé de rester nu dans cette semi-obscurité qui dévoilait un peu mon sexe.
Albert Marquet. Nu à contre-jour. vers 1909-11. H sur t.
Vu salle des Bonheur, cette grande famille d'artistes animaliers :
La photo de la salle rend compte de la grandeur de cette toile. Je suis d'ailleurs heureux du rendu que j'en ai obtenu. Ce serait un inachevé de Rosa Bonheur et son oeuvre la plus imposante. Elle montre les chevaux à demi-sauvages utilisés par les paysans camarguais pour fouler les blés.
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